Repenser le travail de nuit… Une initiative audacieuse de la FMS

L’association vosgienne a ainsi fait bouger les lignes et n’a pas hésité à proposer des solutions parfaitement nouvelles, voire même, tabous dans le secteur du handicap. Au programme de ce projet : la mise en place de micro-sieste pendant le temps de travail des effectifs de nuit, le changement de dénomination des professionnels de nuit et la création d’une communauté professionnelle dédiée, la limitation de la durée du travail de nuit à 5 ans ou bien encore la généralisation de séances de yoga et de sophrologie…
Ce projet audacieux avait été remarqué en 2019 par Nexem lors de sa campagne de recueil d’initiatives locales. Nous avons pu interviewer Noëlle DASILVA, responsable développement RH de la FMS et en charge de la mise en œuvre de « Bonne JourNuit ».

A quel stade d’évolution est votre projet et la crise sanitaire a-t-elle eu un impact ?
Le projet « Bonne JourNuit » s’est clôturé tout récemment en mars dernier mais il continuera sous un autre format. La crise sanitaire a bien évidemment eu un impact sur le déroulé du projet et a notamment freiné sa progression. Les préoccupations liées à la crise sanitaire nous ont obligés à adapter notamment le format des réunions et des actions. Les réunions du groupe projet ont dû se dérouler en visioconférence, un format compliqué pour certains professionnels, pas suffisamment à l’aise avec l’outil informatique.

Dernièrement un ergonome de la médecine du travail a réalisé également des immersions de nuit sur chaque établissement d’hébergement afin d’observer le travail de nuit de juillet à septembre 2020. Une restitution sera réalisée prochainement pour nous accompagner vers une refonte des fiches de poste.

Des séances de yoga et de sophrologie ont été dispensées de septembre à décembre 2020 à un groupe de six travailleurs de nuit. L’objectif de ces séances était d’accompagner les professionnels dans la gestion du stress et de renforcer leur capacité de concentration (vigilance accrue en situation de travail) et mais aussi de sensibiliser à la micro-sieste, sujet encore tabou pour les professionnels. Au final, ces séances sont amenées à être généralisées au-delà des travailleurs de nuit.

Une communauté des professionnels de nuit a été impulsée à travers des visioconférences inter-établissements animées par une psychologue. Ces séances ont pour objectif de favoriser la dynamique de groupe, le sentiment d’appartenance ainsi que de réduire le sentiment d’isolement des travailleurs de nuit.

Une des mesures phares du projet est de limiter le travail de nuit à 5 ans car il a un impact sur la santé au-delà de cette période. Mais pour réussir un tel engagement, cela demande du temps. Il faut accompagner chaque personne vers un projet de mobilité professionnelle en adéquation avec ses aspirations et ses qualifications.

Cela demande du temps, or, certains travailleurs de nuit sont désormais pressés de quitter leur poste pour retravailler en journée.

Trois professionnels ont ainsi pu intégrer un poste de jour en interne et une professionnelle a été accompagnée vers de la mobilité externe. Plusieurs immersions sur des postes de jour ont eu lieu afin de conforter des projets de formation de validation des acquis de l’expérience.

Enfin, un questionnaire d’évaluation est en cours de déploiement. Il nous permettra de mesurer l’impact des actions et leurs bénéfices mais aussi, et surtout, de continuer la démarche d’amélioration des conditions de travail engagée en apportant des actions correctives et sur mesure.

Quel(s) soutien(s) avez-vous pu trouver pour développer votre initiative (technique, financier, politique etc.) ?
Au niveau interne, les professionnels et les instances représentatives du personnel sont parties prenantes de ce projet et fortement impliquées.

En termes de partenariat, ce projet est soutenu par plusieurs organisations : Médecine du travail, la CARSAT, OETH, ARACT, ANACT, une nutritionniste spécialisée sur le travail de nuit, Cabinet de conseil A2C.

Au départ le projet a été entièrement financé sur les fonds propres de l’association mais son caractère innovant a permis d’obtenir un soutien financier précieux d’OETH. Il a également retenu l’attention de l’Agence nationale de l’amélioration des conditions de travail (ANACT) puisque en 2019 nous avons eu la chance de participer à leur « Juridikthon », un événement inspiré des codes du hackathon et visant à prototyper, en temps réel, des solutions durables et propices à la qualité de vie au travail des salariés.

Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ? Par exemple en termes d’expertise acquise en gestion de projet, de dynamique transverse entre les métiers et ESMS, de coopération, de stratégie associative…
Ce projet est riche d’enseignements notamment face aux enjeux de sécurisation des parcours professionnels et d’évolution du public accueilli auxquels nous sommes confrontés. Nous avons pris conscience de la nécessité de former les professionnels aux outils digitaux et à la culture projet.

Il nous semble que cette démarche sur la prévention des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail est un axe essentiel et prioritaire pour développer l’attractivité de nos métiers et pour fidéliser les professionnels. Nos difficultés de recrutement dans le contexte actuel sont croissantes.

Le sujet du travail de nuit est vaste et les portes d’entrée multiples, nous nous sommes donc inscrits dans un processus à long terme et nous souhaitons continuer à avancer avec humilité et bon sens. Cela permettra d’éviter de nombreux écueils.

Enfin, certains aspects du projet, comme les séances de yoga et de sophrologie, ont été transposés à d’autres professionnels de la FMS. Une nouvelle communauté va être crée avec l’ensemble des psychologues de l’association en mars 2021.

Pour plus d’information, contactez le pôle offre sociale et médico-sociale : innovation-osms@nexem.fr